Après un petit séjour sur Sifnos où nos amies avaient pu se réapprovisionner et recruter un nouveau membre d’équipage, le navire des Scarlett Devils accostait sur une nouvelle île peu recommandable, mais on ne peut plus prometteuse pour leurs projets. Kokudo Settouhan était en effet une île qui regroupait les pires crapules de tout North Blue, l’endroit était une véritable zone de non droit où tout était permis. La marine avait renoncé à investir le lieu pour y rétablir l’ordre et la discipline, et ce de peur d’avoir trop de perte pour une île qui en valait pas la peine à leurs yeux. En effet mis à part la population hautement criminelle qui y vivait, l’île n’avait rien de particulier à offrir, bien au contraire un passage sur cette île était souvent synonyme pour les voyageurs d’un appauvrissement conséquent. On ne compte en effet plus le nombre de bateau ayant accosté sur l’île et n’étant jamais reparti, mais malgré tout ce qu’on pouvait en dire, cette île restait la nouvelle halte de notre équipage démentiel. Et l’arrivée de leur imposant navire ne passa pas inaperçue, et avant même qu’une quelconque personne soit descendue de celui-ci une masse d’individus s’était rassemblée au port. Certains armés de sabre et d’autres de pistolet, tout chez eux laissait deviner leurs intentions, cependant ils ne purent accomplir ce à quoi ils aspiraient. Une silhouette quitta le navire pour atterrir en plein milieu de la foule, une robe rouge, une chevelure blonde et une paire d’ailes d’ébène et de cristal, il s’agissait d’Ekaterina à qui sa sœur avait demandé de prendre soin d’accueillir toutes ces bonnes personnes venues leur souhaiter la bienvenue sur leur île.

« Eva m’a demandé avant de vous demander si vous voulez rejoindre notre équipage. Donc je vous demande si vous voulez bien être des nôtres, car à cause de quelques bêtises que j’ai faites, – des toutes petites d’ailleurs, comprend pas pourquoi Eva m’a engueulé – mais bon si vous ne voulez pas, ce n’est pas grave. Eva m’a dit qu’on irait recruter en ville alors. »

Les brutes qui l’encerclaient à présent la regardaient d’un air incrédule, surpris de voir que cette frêle personne ne semblait absolument pas apeurée par la situation dans laquelle elle se trouvait actuellement. Il faut dire qu’ils ignoraient que la veille, notre petite démente avait immolé près de quinze membres d’équipage et que pour couronner le tout elle avait failli mettre le feu à tout le navire. C’était en fait rien que pour cette dernière raison qu’Evangelina l’avait grondé, il faut dire que sa sœur représentait l’autorité absolue pour Ekaterina qui malgré son éternelle démence lui était dévouée corps et âme. Soudain un coup de feu retentit et toucha notre jeune innocente au bras droit, une simple égratignure mais suffisante pour colorer les extrémités blanches de sa robe d’un rouge foncé. Ekaterina porta par réflexe une main au niveau de sa blessure, et ce ne fut que lorsqu’elle rapporta sa main ensanglantée devant son visage qu’elle se mit à pleurer, déclenchant alors des éclats de rire tout autour d’elle. Puis ses pleurs cessèrent alors que les rires eux se poursuivirent, trop occupés par l’euphorie générale les brutes ne remarquèrent pas l’apparition de cristaux rouges parmi eux. Et ce fut sans rien comprendre qu’ils se retrouvèrent pris dans de terribles déflagrations au moment même où Ekaterina fit claquer ses doigts. La petite était toujours en pleur, mais désormais plus aucun danger l’entourait, seuls restaient autour d’elle des cadavres calcinés qui décrivaient un cercle dont elle était le centre. Brûlé vif sans avoir eu la moindre chance de s’en sortir, c’était là une mort horrible, mais personne n’allait pleurer la perte de pareils individus.

« Katia ! Calme-toi ! »

Sa sœur aînée avait fini par quitter le navire à son tour et à la rejoindre au milieu de ce cercle fumant. Sans attendre elle passa une main sur le front de sa sœur avant de la descendre et de lui caresser la joue, elle porta ensuite son attention sur la blessure de sa cadette avant de lui déchirer un bout de sa robe et de porter ses lèvres à même la plaie, suçant le sang qui en exaltait. Un vrai vampire, mais en tout cas cela avait pour mérite de calmer sa sœur qui la regardait sucer son bras, avant de finalement bander sommairement celui-ci. La blessure était vraiment superficielle, elle ne laisserait qu’une petite cicatrice pratiquement invisible.

« Allez, ranges-moi tes ailes, on va aller voir si on ne trouve pas de meilleurs sujets pour notre équipage. »
« Oui !! Ekaterina veut encore plus de jouets !! »
« Si tu veux… »

Evangelina avait pris sa sœur par la main et l’entraînait avec elle plus en profondeur dans la ville portuaire de l’île, elle ne s’inquiétait pas pour leur navire étant donné qu’elle avait laissé à son bord leur nouvelle recrue en compagnie de tous leurs larbins qui avaient pu échapper aux folies incendiaires de sa cadette de sœur. Ce fut à l’intérieur d’une taverne qu’elles se rendirent en première, c’était le genre d’endroit devant être fréquemment côtoyé par les pires crapules de l’île, après tout c’était dans ces dits lieux que pleuvaient l’alcool et bien d’autres plaisirs. L’entrée des deux jeunes demoiselles bien que silencieuse jeta un froid dans l’assemblée peuplant les tables et les chaises de ce lieu de perdition, c’était comme si deux petits et charmants lapins venaient de pénétrer en plein cœur d’une meute de loup affamé. Et le fait qu’elles se tenaient la main n’arrangeait pas les choses, des rires ne tardèrent pas à se faire entendre dans toute la salle, mais elles n’y prêtèrent guère attention. Ekaterina était trop subjuguée par la décoration et l’ambiance de cette taverne pour se rendre compte qu’elle était l’objet de toute cette agitation. Quant à sa sœur, elle cherchait déjà après ce qu’il y avait de bon à prendre dans tout ce troupeau de brutes épaisses et malodorantes. Cependant mis à part de quoi remplacer les membres otages qui avaient malheureusement péris dans l’exercice de leur fonction, elle ne voyait personne ayant le profil pour devenir membre à part entière de son équipage. Les deux sœurs finirent par s’installer à une table vide, non sans attirer rapidement tel des aimants quelques imbéciles autour d’elle.

« Alors mes petites, on s’est perdu ? Ce n’est pas un endroit pour vous, vous savez ? »
« Ah bon !? »

Toujours aussi incrédule, Ekaterina se demandait bien pourquoi ce genre d’endroit qu’elle trouvait charmant et plein de jouet n’était pas fait pour elle. Mais notre jeune amie fut vite rassurée par sa grande sœur qui lui dit de ne pas les écouter, et suivant ses paroles elle s’entailla la peau du dos de sa main afin de libérer son sang et de l’envoyer sur le visage de ces perturbateurs tel un masque asphyxiant, en l’espace de quelques secondes, ces brutes épaisses tombèrent inconscient sur le sol. Evangelina avait là sa nouvelle main d’œuvre qui n’allait pas s’agrandir encore tout de suite, étant donné qu’à présent le reste de la clientèle se maintenait à distance de leur table. Ekaterina était elle toute joyeuse à sa table en voyant ses nouveaux jouets entassés autour d’elles.

Mais soudain quelque chose attira son attention, un objet contrastant de manière flagrante avec le paysage de débauche qu’offrait cette taverne, il s’agissait ni plus ni moins d’une ombrelle rose qui se promenait au-dessus des sales têtes de ces rustres buveurs. Que pouvait bien faire cette magnifique chose parmi tant de laideur ? L’attention de notre jeune démente ne faiblit pas et elle ne tarda alors pas à voir émerger de cette foule puante une charmante demoiselle, une fleur parmi tout un tas de mauvaise herbe fanée.

« Eva ! Eva ! Regardes ! Regardes ! »

Dit-elle en sautant sur son tabouret et en pointant du doigt la délicieuse personne, sa sœur suivant la direction que lui indiquait sa jumelle se montra moins enthousiaste en voyant la frêle femme qu’elle lui montrait. Elle se serait attendue à mieux de la part de sa cadette, elle qui avait toujours le chic pour trouver les personnes les plus horribles qui soient. C’était bien simple, Evangelina avait l’impression que sa cadette les attirait inconsciemment vers elle, un aimant à problème mais aussi un générateur de problème. D’ailleurs la tignasse blonde avait déjà quitté son siège pour se précipiter vers la charmante créature. Et ce fut avec énergie qu’elle lui agrippa le bras, tout en lui souriant, et en lui disant haut et fort, à tel point que tout le monde autour pouvait l’entendre :

« Dis, dis, dis ! Tu veux faire partie de mon équipage ? »

Malgré ce qui c’était passé précédemment dans la taverne, les paroles de la jeune enfant déclenchèrent de nouvelles moqueries dans l’assemblée générale. Mais cela ne gênait nullement notre camarade qui se mettait à renifler le parfum de la jeune demoiselle, elle sentait bon c’était le moins qu’on puisse dire, son parfum en était même quelque peu enivrant en comparaison à celui de la sueur et de la crasse des crapules squattant les lieux.

Le petit bateau aux bords duquel se trouvait Yuri venait tout juste d’accoster dans le port de l’île de Kokudo Settouhan, et déjà, Yuri rechignait à en descendre. Pas besoin de mettre le nez dehors pour voir que ça grouillait d’humains sur les quais, ils se rassemblaient comme une colonie de fourmis sur un morceau de pain. Sauf que les fourmis, elles, avaient une bonne raison de le faire, alors qu’eux… Cependant, sous l’insistance de Misao, elle finit par daigner mettre pied à terre. Mais le décor morne de cette ville portuaire ne l’encourageait guère à y rester. Tout cela manquait cruellement de verdure ! Elle plaça son ombrelle ouverte contre son épaule et demanda :

- Misao, rappelle-moi pourquoi on est venu ici ?

- Pour s’amuser tiens ! Allez, arrête de faire la tête et vient, ça va être marrant ! Ça fait longtemps que je veux venir ici, mais quand on est dans la marine…

- Faudrait peut-être que je reste pour surveiller le bateau non ?

- Arrête de te chercher des excuses, et puis, tu crois vraiment que quelqu’un va vouloir voler CE bateau ?

- Bin, nous, on l’a bien fait…

Cependant, Misao n’en démordit pas, et après avoir traîné Yuri derrière elle sur quelques mètres, les deux jeunes femmes se mirent à errer sur les quais. Le trajet était ponctué par les exclamations joyeuses de Misao et les soupirs exaspérés de Yuri. Les têtes n’arrêtaient pas de se retourner sur leur passage, mais Yuri n’y prêtait aucune attention. Elle ne pensait pas pouvoir supporter de croiser le regard d’une de ces larves grouillante qui les entouraient. Soudain, Misao sembla remarquer un détail :

- Dis Yuri, pourquoi t’as pris ton ombrelle ?

- J’essaye de me faire une bulle d’air pas trop vicié tu vois ? Car ce n’est pas du luxe, vu l’odeur…

Puis, sur sa lancée, elle poursuivit :

- Franchement, c’est pas possible ! Tu sens cette odeur ? On se croirait dans une fosse commune, jamais vu ça… Les humains de cette île sont-ils tellement attardés qu’ils ne savent pas se servir d’une boule de savon ? Hein Misao ? Misao ?

Devant l’absence de réponse de sa camarade, qui aimait pourtant donner son avis sur tout, Yuri se retourna et tomba nez-à-nez avec… personne ! Elle tourna frénétiquement la tête dans tous les sens, mais elle ne la vit pas. Constatant sa disparition, Yuri s’exclama :

- Je le crois pas, elle s’est barrée !

Devant l’évidence de la situation, elle poussa un profond soupir, et commença à chercher après Misao. Peut-être parce que Misao n’était pas là pour la bombarder de propos en tout genre, ou peut-être parce qu’elle était obligée de prêter davantage attention à ce qui l’entourait, Yuri entendait de nombreuses remarques qui lui étaient adressées. Les « salut ma jolie » et les « regardez le mignon petit agneau que voilà » semblaient constituer la majeure partie du vocabulaire de la population locale, mais Yuri n’avait pas le moins du monde l’intention de leur répondre. Cependant, si elle pouvait ignorer les propos qu’on lui tenait, elle restait incommodée par l’odeur qui régnait.

« Comment les humains peuvent-ils sentir aussi mauvais ? Pourquoi ne peuvent-ils pas être comme de jolies fleurs, qui elles sentent si bon ! Les Hommes sont vraiment de répugnantes créatures… » pensa-t’elle.

Sa recherche finit par la mener devant une taverne, où l’ambiance animée semblait propice à appâter une Misao. Cependant, le magma humain qui s’y concentrait avait un effet dissuasif sur Yuri. Avec la pensée qu’une bonne douche serait nécessaire plus tard, elle franchit les portes de l’établissement. Lorsqu’elle fut à l’intérieur, l’odeur de la bière rance mêlée à celle de la sueur lui fit retrousser les narines. Ce doux mélange n’avait rien d’agréable, et Yuri colla son ombrelle contre elle dans l’espoir de se protéger des projections de bières que quelques poivrots émettaient gaiement. Elle s’avança courageusement jusqu’au comptoir, où elle inspecta rapidement les alentours, sans repérer Misao, qui était pourtant du genre à se démarquer, même dans une foule aussi compacte. Elle remarqua au passage qu’une partie de la taverne semblait boudée des consommateurs, mais elle s’en fichait, car il était peu probable que sa nigaude de camarade si trouve. Mais alors qu’elle envisageait sérieusement de quitter cet endroit décadent, même pour des humains, elle sentit avec effroi quelque chose lui agripper le bras. Quelle abominable et crasseuse créature avait bien pu avoir l’audace de poser ainsi la main sur elle ? Elle se tourna vivement vers la dite chose, prête à en faire du compost, quand elle remarqua que celle-ci était en réalité une gamine qui avait l’air de savoir se servir d’une serviette de bain. Elle en aurait presque soupiré de soulagement ! Néanmoins, celle-ci était bien accrochée à son bras, et le fait qu’elle le secouait pour s’en détacher semblait totalement lui échapper.

« Mais qu’est-ce qu’elle me veut cette gamine à s’accrocher à moi comme une tige de lierre ? J’ai une tête à me balader avec des bonbons peut-être ? »

Alors qu’elle s’apprêtait à lui mettre un doigt dans un œil, la sangsue lui demanda :

- Dis, dis, dis, tu veux faire partie de mon équipage ? dit-elle avant de commencer à la renifler.

« Tiens, voilà autre chose maintenant ! J’attire toutes les folles ou quoi ? »

La jeune fille avait un large sourire sur son visage, et son regard brillait, comme si elle contemplait une chose magnifique. Il faut dire, ce n’était pas difficile de trouver quelque chose de plus attirant que tous ces gaillards imbibés qui rigolaient comme des tarés suite à la remarque de celle-ci. Finalement, devant son insistance à la tenir Yuri répondit :

- Mais tu vas me lâcher oui ? J’ai besoin de mon bras tu sais ? Et puis, c’est quoi cette histoire d’équipage, tu veux que je rejoigne une maison de poupées peut-être ? J’ai une tête à ça tu crois ? Aaah les humains…

Yuri finit enfin par arracher son bras de la poigne de la jeune fille, et fila vers la porte… pour aller emboutir une grosse carcasse de viande qui se trouvait sur son passage. Sous le choc, Yuri recula d’un pas, mais lorsqu’elle reprit son équilibre, elle toisa l’homme d’un regard froid et lui intima :

- Bouge-toi vermine, tu me gênes.

- C’est pas ce qu’il faut dire quand on bouscule les gens non ? Il faudrait peut-être que tu t’excuses… convenablement.

Et il posa sa main sur son épaule. Des ricanements s’élevèrent dans la taverne, mais Yuri, elle ne riait pas. Ce type osait la salir avec ses sales mains d’humains, et il exigeait en plus des excuses ? Elle lui enfonça la pointe de son ombrelle dans le pied, ce qu’il ne manqua pas de sentir passer.

- Elle te plaise mes excuses ? lança calmement Yuri.

Pour toutes réponses, l’homme lui envoya un bon coup de poing… qui s’écrasa sur son armure d’écorce avec un craquement sinistre. Yuri eut tôt fait de répliquer en l’enserrant dans ses lianes, et ne relâcha son étreinte que lorsque l’homme cessa de bouger. Elle envoya le corps voler à travers la pièce, puis se retourna vers la sortie. Mais cette fois encore, quelqu’un se trouvait devant elle : la jeune fille qui lui avait littéralement tenu la manche. Que voulait-elle cette fois ?

« Mais tu vas me lâcher oui ? J’ai besoin de mon bras tu sais ? Et puis, c’est quoi cette histoire d’équipage, tu veux que je rejoigne une maison de poupées peut-être ? J’ai une tête à ça tu crois ? Aaah les humains… »

Sur ses dures paroles, la jeune demoiselle s’arracha de l’emprise de notre petite dévergondée, qui semblait toute abattue par sa réponse. Cependant malgré ce premier refus, Ekaterina voulait encore qu’elle rejoigne sa petite famille ou tout du moins au minimum son coffre à jouet. L’allusion à la maison de poupées n’était donc pas pour déplaire à notre petite fripouille, au contraire imaginer de la sorte leur grand et sinistre navire était pour elle aussi intéressant que cette jeune fille au caractère bien trempé. Ekaterina comptait d’ailleurs insister encore pour qu’elle se joigne à elle et son équipage, mais elle fut interrompue dans son élan lorsque sa cible du jour se retrouva confrontée à une brute épaisse qu’elle avait par mégarde heurté.

« Bouge-toi vermine, tu me gênes. »

Des paroles qui intensifièrent l’intérêt qu’Ekaterina portait à cette charmante fleur, mais qui éveilla aussi celui de sa sœur ainée qui avait observé jusqu’à présent le comportement de sa sœur indisciplinée afin d’éviter que cette dernière ne parte dans un débordement émotionnel lourd de conséquence. L’attention des jumelles focalisées sur la scène, ce qui suivit fut pour leur plaire à toutes les deux. L’homme qu’elle avait bousculé, après avoir entendu les délicates paroles de cette beauté, ne put s’empêcher de lui répondre sur un ton de supériorité machiste. C’est qu’il exigeait des excuses le gaillard, mais celles qu’il reçut ne furent visiblement pas à son gout, la demoiselle avait planté, sous le regard admiratif d’Ekaterina, l’extrémité pointue de son ombrelle dans le pied de l’homme.

« Elle te plaise mes excuses ? »
« Oh oui ! Oh oui ! »

S’exclama Ekaterina toute excitée par le spectacle mais son commentaire ne fut pas entendu par la jeune femme qui eut à se défendre de la réplique de l’homme. Celui-ci voulut la frapper de toutes ses forces avec son poing mais il se heurta à une armure d’écorce qui eut raison de la main de l’homme. Mais celui-ci n’eut pas eu le temps de se plaindre de sa douleur car avant qu’il ne pousse le moindre cri, des lianes s’étaient déjà enroulées autour de son corps tout entier et se contractaient sur leur proie. On entendit alors les gémissements étouffés de l’homme puis plus rien, le corps inerte de l’homme fut alors jeté tel un vulgaire déchet sur une table occupé par d’autres clients en effroi devant le spectacle qui venait de leur être gracieusement offert.

Dès lors sans perdre une seconde, notre petite fille se précipita au devant notre belle plantation avant que celle ne s’esquive. La sortie se retrouvait donc obstruée par la présence de notre petite démente, et il était inutile de penser à rebrousser chemin car Evangelina avait daigné se lever de sa chaise pour couper toute échappatoire à cette perle rare qu’elle voulait sienne. En effet, notre jeune capitaine devait se montrer reconnaissante envers sa petite sœur et cette brute pour avoir forcée cette belle pousse à donner pareille prestation à l’ensemble de la salle. Et notre assoiffée de sang comptait bien prendre cette graine d’artiste sous son aile afin de lui offrir la chance de s’illustrer sur une plus large scène, celle du monde, celle de leur monde car celui-ci était avant toute chose leur terrain de jeu.

« S’il te plaît ! Sil te plaît ! S’il te plaît ! Rejoins mon équipage ! Je veux aussi avoir des excuses !! »

C’était bien évidemment Ekaterina qui venait de parler, sa folie permanente lui faisait encore dire des absurdités, mais nulle doute qu’après tout cela les yeux de notre petite démente pétillaient et témoignaient de son grand désir de faire sienne cette charmante personne.

« Je te le demande aussi, mais pas pour les mêmes raisons que ma sœur. Tu n’as jamais pensé à te lancer dans la piraterie ? Faire comme bon te semble répandre le chaos et l’anarchie, régner en maître sur ces cloportes, faire ce qui te plaît de leur vie,… »

Elle se mit alors à lécher le dos de la main qu’elle s’était entaillée il y a quelques instants, arrachant le petit caillot de sang qui s’y était formé, le sang jaillit alors une nouvelle fois de sa main pour prendre la forme d’une lame qu’elle envoya directement se planter dans le coup d’un malheureux gars qui n’avait pas eu de chance de se trouver là.

« Un peu comme cela tu vois, ces insectes ne méritent pas de vivre, ils sont tout juste bon à me servir et divertir ma cadette. Mais toi tu es loin d’être comme ces parasites, tu sors du lot et je te veux dans mon équipage. »
« Ouiiiii !!!! Dans notre équipage ! Dans notre équipage ! Dans notre équipage ! »
« Mais ce n’est pas bientôt fini !!! »

Une brute épaisse s’était extirpée de la masse et s’était lancée sur Ekaterina avec une grosse masse, la frappant dès lors à la tête. La jeune demoiselle sous la violence du coup se courba mais resta néanmoins sur ses deux jambes. Elle avait été frappée à l’arrière de la tête et à l’endroit où le coup avait été porté ses cheveux blonds prenaient doucement une teinte rougeâtre, avant de finalement goutteler et tâcher le parquet déjà si sale de cette taverne. Un silence s’abattit alors dans la pièce, Evangelina faisait les grands yeux en observant sa sœur, ce bâtard, il aurait pu éviter de faire cela maintenant, juste au moment où elle s’apprêtait à recruter un membre prometteur. Après un tel acte, elle craignait fort que sa petite sœur ne reste pas sans réagir, et lorsqu’elle commença à voir des cristaux se matérialiser, elle comprit qu’il valait mieux quitter les lieux au plus vite. Evangelina déploya alors ses ailes ensanglantées, d’un battement de celles-ci elle s’éleva dans les airs et se précipita vers son probable futur membre. Elle l’empoignât alors par le bras, et entraîna sa prise à l’extérieur de la taverne, celle-ci put alors constater que sous son apparence de petite fille qu’elle avait autant de force que sa sœur. Ce fut tel un vulgaire sac de sable qu’elle se délaissa de la jeune demoiselle, se contentant elle de rester dans les airs et de regarder sa sœur créer de plus en plus de cristaux. Finalement au bout d’un certain temps qui sembla interminable, Ekaterina finit par expirer puis à inspirer profondément semblant dès lors reprendre sa respiration qu’elle avait momentanément perdue. Sur son visage un sourire diabolique, suivit aussitôt par un rire tout aussi flippant, Ekaterina la démente faisait une nouvelle fois son entrée sur la scène. Elle leva alors bien haut sa main droite et fit claquer ses doigts, s’en suivit alors immédiatement toute une série d’explosions, celles de ses cristaux. En l’espace d’un instant à l’intérieur de l’auberge on ne voyait plus que des flammes, Ekaterina n’était plus visible non plus, on entendit de nombreux cris de douleur et vit plusieurs clients se défenestrer pour échapper aux flammes. Puis sortant par la porte embrasée, Ekaterina avait retrouvé son visage enfantin, ses vêtements étaient partiellement consumés et elle présentait de nombreuses brûlures qui ne semblaient guère l’incommoder.

« Eva… Désolée… Ai cassé tous nos nouveaux jouets… »

Le pauvre petit bout de chou semblait vraiment attristé par cela, mais sa sœur la rassura immédiatement en lui disant que ce n’était pas grave et que de toute façon ils n’étaient pas bien solides pour ne pas avoir survécu à cela. Bon il y avait bien quelques survivants entrains d’agoniser devant l’auberge, mais ils n’étaient plus aptes à servir les projets des Scarlett Devils. Evangelina finit par se poser et à replier ses ailes, la jeune demoiselle était restée silencieuse devant un tel spectacle, mais il était à présent temps de reprendre la parole.

« La folle là c’est Ekaterina, quand à moi c’est Evangelina, nous sommes toutes les deux capitaines des Scarlett Devils. Comme t’as pu le voir, on est loin d’être de simples gamines juste bonnes à jouer à la poupée. Dès lors je te le redemande une dernière fois, non… Je te l’ordonne, rejoins mon équipage, tu n’en trouveras pas meilleur ! »

- S’il te plaît ! S’il te plaît ! S’il te plaît ! Rejoins mon équipage ! Je veux aussi avoir des excuses !

- Hein ?!

Les propos de la jeune fille intriguaient Yuri. De toute évidence, la petite scène qui venait de se dérouler n’avait en rien ébranlé son désir de la voir rejoindre son « équipage », bien qu’elle ignorait ce que ce mot signifiait pour elle. Au contraire, son intérêt pour notre jeune botaniste n’en semblait que renforcé. Qui plus est, elle devait avoir une araignée au plafond, car elle semblait manifester un goût prononcé pour le masochisme, et peut-être même pour le fétichisme des ombrelles. Avant que Yuri ai pu émettre une quelconque réponse, une copie presque conforme du spécimen qui se tenait devant elle l’interpella dans son dos.

- Je te le demande aussi, mais pas pour les mêmes raisons que ma sœur. Tu n’as jamais pensé à te lancer dans la piraterie ? Faire comme bon te semble répandre le chaos et l’anarchie, régner en maître sur ces cloportes, faire ce qui te plaît de leur vie,…

Elle agrémenta ces propos d’une petite démonstration, plantant une lame faite à partir de son propre sang dans le corps d’un bougre qui se tenait un peu trop près de la petite troupe amassée devant l’entrée de la taverne, avant de reprendre la parole.

- Un peu comme cela tu vois, ces insectes ne méritent pas de vivre, ils sont tout juste bon à me servir et divertir ma cadette. Mais toi tu es loin d’être comme ces parasites, tu sors du lot et je te veux dans mon équipage.

Ces derniers mots furent ponctués par les exclamations enthousiastes de la dite cadette. Yuri avait grandement apprécié les propos tenus par la nouvelle venue, il semblait qu’il existait quelques humains avec un peu de jugeote. Mais une fois encore, Yuri n’eut pas l’occasion d’en placer une, car un rustre vint se permettre de l’interrompre à l’instant où elle ouvrait la bouche. Il porta un bon coup derrière la tête de la cadette à l’aide d’une masse, laissant une plaie sanglante se former sur le crâne de celle-ci. La scène semblait figer dans le temps, et chaque personne présente sembla retenir son souffle, excepté Yuri qui émit un léger sifflement agacée. Cet humain n’avait décidemment aucun savoir vivre, il se permettait de venir interrompre une conversation entre quelques éclairés, ne supportant probablement pas de voir sa piètre condition ainsi exposée. Mais lorsque Yuri vit l’expression de l’aînée de deux sœurs, elle comprit que cet acte ne serait sans doute pas sans conséquences. En effet, des cristaux d’un beau rouge vif se mirent à apparaître tout autour de la victime, et instinctivement, Yuri sentit que ceux-ci représentaient un danger particulièrement grand pour elle. Mais avant d’avoir pu esquisser le moindre geste, deux bras la saisir sans ménagements et elle décolla littéralement du plancher pour se retrouver à l’extérieur du bâtiment. Et voilà-t-il pas que son kidnappeur la largua, oubliant probablement qu’elles se trouvaient à plusieurs mètres au-dessus du sol, et que la chute pourrait s’avérer douloureuse. Heureusement, Yuri transforma son bras en lianes, et s’en servit pour agripper une cheminée d’une habitation environnante et se tracter jusqu’au toit de celle-ci, atterrissant sans encombres. Lorsqu’elle se retourna, le danger qu’elle avait ressenti se matérialisa devant ses yeux : une grande explosion retentissante se produit, incendiant l’intérieur de la taverne en quelques secondes à peine. Le feu… Voilà ce qu’elle avait ressenti… Son ennemi naturel, la seule chose qu’elle craignait vraiment, avec l’idée de piquer un plongeon bien évidemment. Pour peu, elle se serait montrée reconnaissante envers la jeune fille qui l’avait extraite in extremis de cette future fournaise. Yuri redescendit du toit où elle se trouvait, se servant une fois encore des lianes pour se poser en douceur au sol. Elle vit l’incendiaire s’extraire du brasier, de nombreuses brûlures sur le corps, et affichant une expression peinée pas vraiment de circonstances. Yuri vit les deux sœurs échanger quelques mots qu’elle ne perçut pas, et sa sauveuse vint se poser devant elle, bien décidée à reprendre là où elles s’étaient interrompues avant « l’incident ». Celle-ci lui dit sans l’ombre d’un remord dans la voix :

« La folle là c’est Ekaterina, quant à moi c’est Evangelina, nous sommes toutes les deux capitaines des Scarlett Devils. Comme t’as pu le voir, on est loin d’être de simples gamines juste bonnes à jouer à la poupée. Dès lors je te le redemande une dernière fois, non… Je te l’ordonne, rejoins mon équipage, tu n’en trouveras pas meilleur ! »

Yuri ressentie une pointe d’agacement face aux propos qu’on venait de lui tenir, et ne put s’empêcher de froncer les sourcils. Pour qui elle se prenait cette morveuse pour lui causer ainsi ? Bon, peut-être pensait-elle que son statut de capitaine lui arrogeait ce droit, mais pour Yuri, il n’en était rien. Elle lui répondit donc :

- Tout d’abord, je n’aime pas que l’on me donne des ordres. Alors, ne crois pas que je vais rejoindre ton équipage simplement parce que tu me l’ordonnes. Cependant, cela ne veut pas dire que je refuse… ou que j’accepte. Mais j’avoue que j’apprécie beaucoup ton point de vue sur la valeur des vies humaines. Il semblerait que je ne sois pas la seule à savoir ouvrir les yeux. Par contre, je n’apprécie pas trop que l’on me transbahute comme un sac de pommes de terre, même si je trouve ces tubercules bien sympathiques… Enfin, comme c’était pour me sauver, je vais pas trop me plaindre… Pas trop…

Elle s’accorda quelques secondes de silence, histoire de laisser le temps à Evangelina de saisir qu’elle n’aimait pas qu’on lui marche sur les pieds. Elle poursuivit ensuite :

- Ensuite, inutile de me proposer de devenir pirate, je le suis déjà. La marine est loin de m’apprécier, depuis que j’ai massacré une partie de leurs hommes. Mais me dire que ton équipage est le meilleur ne suffit pas à me convaincre qu’il l’est vraiment, alors, si tu pouvais me citer quels sont les avantages que tu offres…

Elle se ravisa soudain :

- Ou plutôt, reportons cette discussion à plus tard. Je dois retrouver ma… disons « camarade », même si elle m’a lâchement abandonné au milieu de cette vermine qui grouille dans cette ville. Non pas que l’idée de la laisser en plan ne soit pas pour me plaire…

Elle ricana à la pensée de la tête que ferait Misao en découvrant que Yuri s’était embarquée dans un équipage pirate sans elle. Cependant, elle estima préférable de ne pas le faire, et précisa :

- Je pense qu’elle pourrait t’intéresser également… Alors, qu’en dis-tu ? Cela te donnerait en plus le temps de trouver des arguments pour me convaincre de te rejoindre…

Evangelina ne put cacher son étonnement face aux propos de celle qu’elle considérait déjà comme sa nouvelle recrue, il était en effet rare qu’une personne lui tienne ainsi tête, en réfutant son autorité qui se devait d’être absolue. Mais ce qui était encore plus rare c’était les personnes ayant eu un tel comportement à son égard encore en vie, cette jeune demoiselle lui était précieuse et notre capitaine passerait donc outre son comportement. Surtout qu’elle préférait de loin une personne lunée comme cette demoiselle plutôt qu’un simple « d’accord » ou « oui, capitaine », en effet leur équipage n’était pas fait pour ceux qui se laissaient marcher dessus, il y avait les membres esclaves pour cela. De plus ce n’était pas comme si cette jeune femme ne s’était pas montrée reconnaissante à son égard, bref elle était au goût d’Evangelina et celle-ci ne comptait pas renoncer à elle, quitte à la prendre de force sur son bateau.

« Ensuite, inutile de me proposer de devenir pirate, je le suis déjà. La marine est loin de m’apprécier, depuis que j’ai massacré une partie de leurs hommes. Mais me dire que ton équipage est le meilleur ne suffit pas à me convaincre qu’il l’est vraiment, alors, si tu pouvais me citer quels sont les avantages que tu offres… »

Déjà pirate et recherchée par la marine ? C’était tout bonnement parfait, il n’y avait même pas besoin de lui apprendre les bases, elle répandait déjà le chaos d’elle-même tout autour d’elle. Cependant elle semblait toujours vouloir négocier son adhésion, comme si elle espérait quelque chose de spécial en retour. Soit si elle voulait des arguments, Evangelina allait lui en donner, ce n’était pas que sa sœur ne pouvait pas s’en charger, mais l’aînée doutait fort de la pertinence de ceux que pourrait sortir sa cadette. Mais avant qu’elle n’ouvre la bouche pour en dire plus sur son équipage, la jeune demoiselle se ravisa, prétextant qu’il lui fallait avant retrouver sa camarade. Bien que ses propos semblait traduire qu’entre elles ce n’était pas toujours la bonne harmonie, il était clair qu’elle s’était attachée à elle. Et comme pour se faire aider des deux jumelles, elle précisa que sa camarade en question avait de grande chance de les intéresser également.

« Alors, qu’en dis-tu ? Cela te donnerait en plus le temps de trouver des arguments pour me convaincre de te rejoindre… »
« Bien, allons chercher ton amie. »
« Ouais !! Encore une copine !! Yeah !! »

Bien qu’une personne normale serait entrain de se tordre de douleur mais visiblement la cadette semblait capable de supporter beaucoup de chose. Celle-ci n’avait pas pu s’empêcher de saisir à nouveau le bras de la jeune demoiselle tout en riant.

« Tu verras, on a plein de jouet sur le navire ! Et on peu faire tout un tas de chose avec eux ! »
« Katia, tu oublies qu’on est juste là pour remplacer ceux que tu as carbonisés. »
« Hé hé… Je m’étais un peu emportée… »
« Le mot est faible… En plus de ton amie, il nous faudra une nouvelle main d’œuvre sur notre navire, de simples hommes et femmes que nous utilisons tels des esclaves. Tu serais étonnée de voir la qualité du travail d’une personne qui craint pour sa vie. »
« Au fait c’est comment que tu t’appelles ? »

Ben oui, cela intéressait également Evangelina de savoir le nom de sa nouvelle recrue. Et alors qu’elle consentait à leur dire son nom, un cri effrayant se fit entendre beaucoup plus loin dans la rue où elles se trouvaient actuellement. Il n’en fallut pas plus pour éveiller l’intérêt des deux sœurs, surtout celui de la cadette dont les yeux pétillaient déjà à l’idée de voir ce qui avait pu provoquer ce cri effroyable. Sans pour autant lâcher le bras de Yuri, elle se mit à se précipiter vers toute cette agitation, trainant presque littéralement la jeune botaniste derrière elle. Bien que celle-ci n’avait encore rien accepté du tout, pour Ekaterina s’était comme si elle faisait déjà partie de la famille.

« Oh un autre feu de camp ! »

Non, cela n’avait rien d’un feu de camp, c’était certes une autre taverne, elle était certes également en flamme, mais ce n’était aucunement comparable à un vulgaire feu de camp. Ekaterina avait décidément de drôle de référence, qui au passage n’étonnait plus du tout sa sœur aînée qui venait de les rejoindre tout à son aise.

« On dirait que tout le monde s’est donné le mot, bon dépêchons de trouver ton amie. Nous avons aussi pas mal de chose à faire en ville. »

Cependant Evangelina ne se doutait pas un seul instant que l’endroit où elle avait le plus de chance de trouver la camarade de Yuri était cette auberge entrain de brûler et à l’intérieur de laquelle on pouvait encore entendre le cri de personne se faisant brûler vif.